Section 1 : Naturalia et Scientifica, l’enseignement au Lycée-collège de Saint-Maurice

Reconnu au XIXe siècle comme collège officiel du Valais, le Lycée-collège de l’Abbaye de Saint-Maurice est édifié sur des structures d’enseignement beaucoup plus anciennes, remontant à la fondation du monastère. D’abord géré par la ville, puis intégré à l’Abbaye, l’établissement est lié dès 1806 à un pensionnat. Celui-ci permet de loger durant les sept années de formation obligatoires les enfants des familles catholiques de Suisse romande, et parfois de France.

De l’école au collège de l’Abbaye de Saint-Maurice

Au XVIe siècle, la Diète valaisanne décide d’instituer des écoles pour faire contrepoids à la Réforme et améliorer le niveau local d’instruction. Dans ce contexte, l’Abbaye participe financièrement au traitement du régent de l’école de Saint-Maurice, dont elle détermine également l’élection. Au XVIIIe siècle, quatre professeurs assurent l’enseignement gymnasial, dispensé à des étudiants principalement issus du Bas ou du Haut-Valais. Un siècle plus tard, l’école, devenue collège, est intégrée dans les locaux de l’Abbaye. On y aménage des salles d’études et un pensionnat pour offrir aux étudiants de bonnes conditions de travail.Parallèlement à Sion et Brigue, où les jésuites ont repris les collèges après la chute de Napoléon, l’enseignement est assuré à Saint-Maurice par les chanoines. Jusqu’en 1820, celui-ci ne se fait qu’en latin! Parmi les branches enseignées, on compte la grammaire et la syntaxe, mais aussi la rhétorique, la philosophie, la physique et les mathématiques.

Les Échos de Saint-Maurice

Malgré la fréquente remise en cause, par les autorités civiles, du rôle donné à l’Église dans l’instruction publique, le collège continua de se développer à la fin du XIXe siècle. De nouveaux bâtiments sont construits et les effectifs augmentent : de 150 élèves en 1875, on passe ainsi à 300 en 1909. Les conditions d’étude et d’encadrement strictes de l’internat font de Saint-Maurice un modèle de réussite. En 1899, la création des Échos de Saint-Maurice vient encore rehausser la renommée de l’établissement. Cette feuille mensuelle, qui doit beaucoup au chanoine Louis Cergneux († 1931), héberge les travaux littéraires et les chroniques des élèves, ainsi que les réflexions morales et intellectuelles des chanoines. Elle est imprimée dans la cellule même de Cergneux, sur une presse à bras bientôt déplacée dans un local situé à l’avenue des Terreaux. Là sera développée l’« Imprimerie Saint-Augustin », qui contribuera en 1903 au lancement du Nouvelliste valaisan.

Un enseignement d’exception

Au début du XIXe siècle, l’implication des chanoines en charge de l’enseignement est inégale. Si certains se sentent investis d’une mission du fait de leur statut universitaire, d’autres sont appelés à remplir différents ministères au gré des besoins, sans y être nécessairement préparés. La situation change radicalement à la fin des années 1920. Un groupe de jeunes professeurs – Paul Saudan († 1967), Norbert Viade († 1967), Alexis Peiry († 1968) et Edmond Humeau († 1998) – initie alors un enseignement novateur, où l’étudiant est appelé à s’impliquer de manière plus individuelle. Des vocations littéraires naissent ainsi parmi les élèves les plus sensibles, notamment Maurice Chappaz, Georges Borgeaud, ou Michel Campiche. Durant cette période, les bouleversements s’enchaînent au sein de l’établissement. Les effectifs s’accroissent, au point que le recteur Isaac Dayer († 1987) demande la construction d’un nouveau bâtiment, inauguré à la fin de l’année 1961. En parallèle, le nombre de chanoines-enseignants baisse, de sorte que le professorat s’ouvre de plus en plus aux laïcs. Enfin, le collège connaît un nouveau changement de taille en 1969, avec l’introduction de la mixité.

Le théâtre du collège

Dans le sillage de l’école de Saint-Maurice, une intense activité théâtrale se développe dès le XVIIe siècle. Les représentations, à contenu principalement religieux, sont non seulement données par les élèves mais aussi par les chanoines. Même l’abbé Georges Quartéry († 1640) y participe, en jouant en 1620 le rôle de saint Maurice! Dans le jardin de l’Abbaye ou de l’hôpital, plusieurs centaines de personnes se rassemblent pour assister à ces pièces. Parmi les plus mémorables, on compte notamment le jeu de la Passion mis en scène le Vendredi Saint de l’année 1639.Le théâtre reste à l’honneur au Lycée-collège lorsque ce dernier est officiellement fondé au début du XIXe siècle. Parmi les bâtiments aménagés pour les étudiants, on compte en effet une salle destinée à l’exercice de l’art oratoire. Car c’est en l’habituant à parler en public, pense-t-on alors, que l’on forme la jeunesse à lutter contre les idées libérales qui gagnent progressivement du terrain en Valais et ailleurs. Ce théâtre fondé en 1821 sera démoli en 1934 pour faire place aux locaux actuels de l’œuvre Saint-Augustin. La tradition du théâtre perdure cependant avec l’inauguration en 1963 de la Grande Salle du Collège, qui est encore aujourd’hui le plus grand théâtre en places assises du canton et l’une des quatre plus grandes salles de théâtre de Suisse romande. En 2002, la Grande Salle est baptisée Théâtre du Martolet, en référence au lieu des fouilles archéologiques des églises primitives de l’Abbaye. En même temps que le collège, elle est rachetée en 2021 par le Canton du Valais, avec lequel est signée une convention de collaboration pour poursuivre une exploitation non scolaire.

Le musée d’histoire naturelle

Les animaux naturalisés, coquillages et minéraux présentés dans cet espace sont tous issus des collections du collège. L’établissement a en effet intégré dès ses origines une classe d’histoire naturelle, jouxtée par un cabinet et un musée. Jusqu’en 1934, le musée d'histoire naturelle occupait l'aile ouest du deuxième étage, avant d’être déplacé au troisième et de devenir une grande salle d'étude pour les externes. Ce nouveau musée est établi à peu près sur les plans de l'ancien. Il comporte alors diverses armoires vitrées, fixées aux parois, abritant une belle collection de plus de sept cents oiseaux, quelques mammifères et représentants de tous les embranchements du règne animal. Une armoire spéciale est réservée aux coquillages, une autre aux fossiles. En son centre, le musée est occupé par une longue vitrine contenant une collection minéralogique.Pendant des années, la collection du musée est enrichie par le chanoine Ignace Mariétan († 1971), qui enseigne au collège la zoologie, l’anatomie et l’hygiène, la géologie, la géographie physique et la minéralogie. Passionné par ces différents domaines, le chanoine Mariétan déploie parallèlement à son enseignement une activité scientifique intense, multipliant les conférences, séminaires, sessions dans tous les milieux scientifiques, politiques, médicaux, etc. À la radio, il traite de la géologie, de la flore, de la faune, des glaciers, des tremblements de terre, des us et coutumes du Valais qu’il connaît mieux que quiconque. En 1937, l’Université de Lausanne lui confère le titre de Docteur ès Sciences honoris causa en reconnaissance de la grande part qu’il prend à l’avancement des sciences dans le canton du Valais.Le Lycée-collège de Saint-Maurice conserve aujourd’hui encore une partie de ses collections d’histoire naturelle au rez-de-chaussée du bâtiment sis rue Charles-Emmanuel de Rivaz. Ces dernières continuent d’être enrichies par des dons, à l’instar d’un jeune loup abattu dans le Chablais, offert à l’établissement en 2021.

Recteurs et enseignants illustres

Si plusieurs chanoines se sont illustrés à Saint-Maurice à travers leur enseignement, l’histoire récente du collège retient surtout les noms des recteurs Georges Rageth († 1964) et Isaac Dayer († 1987). Le premier, professeur de philosophie et grand promoteur du thomisme, occupe également la fonction de président de la Conférence des Recteurs des collèges de la Suisse. Il passe la main au second dès 1944, après vingt ans de rectorat. Le chanoine Dayer, en tant que nouveau recteur, est confronté à deux grands défis : d’une part, l’augmentation importante des effectifs ; d’autre part, la détérioration du pensionnat, qui ne correspond plus aux normes de sécurité et d’hygiène. Personnalité forte, il se bat pour commencer la construction de nouveaux bâtiments et obtient gain de cause en 1958. Pour le besoin des classes, quatre blocs de bâtiments sont édifiés ; chacun accueille les élèves de section différente. En 1967, après un rectorat éprouvant – du fait, principalement, des travaux de réfection du collège – le chanoine Dayer se retire à Choëx, où il officie en tant que curé jusqu’en 1981.

Outre les recteurs de l’établissement, de nombreux enseignants ont contribué à la réputation prestigieuse auréolant le Lycée-collège. Là encore, quelques personnalités ressortent nettement de l’abondante littérature consacrée à l’institution. On pense notamment à Paul Saudan († 1944), Norbert Viade († 1967), Alexis Peiry († 1968) et Edmond Humeau († 1988), célèbre quatuor d’enseignants pénétrés de littérature et de poésie, qui ont marqué de leur esprit libre plusieurs volées d’étudiants entre les années 1920 et 1930. Bien d’autres professeurs encore mériteraient d’être mentionnés ici, à la fois en raison de leurs brillants parcours – beaucoup sont passés par Rome, où ils ont terminé leurs études de théologie avec l’obtention d’un doctorat – ou simplement de la popularité dont ils ont bénéficié durant leur enseignement. C’est le cas, par exemple, des chanoines André Rappaz († 1990) et Joseph Vogel († 1989), figures marquantes et appréciées des étudiants.Aujourd’hui, le rectorat du Lycée-collège est toujours assuré par un chanoine, M. Alexandre Ineichen. Le corps professoral, en revanche, est composé depuis quelques années d’une majorité de laïcs.

Les Échos de Saint-Maurice

À partir de 1899, les Échos de Saint-Maurice sont publiés chaque mois à l’initiative de Louis Cergneux († 1931) et Eugène Gross († 1929). Le journal héberge les chroniques et réflexions des chanoines et élèves du collège. Incontournables pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de la maison, les Échos paraissent encore de nos jours à l'intention des Amis de l'Abbaye.

Le cadran solaire

Pièce unique dans le canton du Valais, ce cadran solaire polyédrique et multiface apparaît par sa forme à la fin du XVIIe ou au début du XVIIIe siècle, grande période de construction des cadrans solaires monumentaux. Si son origine demeure inconnue, on sait en revanche que la pierre utilisée par le sculpteur provient de la région de Saint-Maurice.Couverture du premier numéro des Échos, 1899.BASM 30 Ech.M.

Les instruments de physique

Calorimètre, tubes cathodiques, machine à vapeur, bobine de Ruhmkorff... Ces différents instruments ont servi durant des années à l’enseignement des principes généraux de la physique au Lycée-collège de Saint-Maurice.

Les planches d’anatomie et de botanique

L’anatomie et la botanique occupent une place de choix dans l’enseignement des XIXe et XXe siècles. Le XIXe siècle en particulier contribue, grâce à des méthodes radicalement nouvelles, à constituer ces disciplines en de véritables sciences. Les planches de botanique présentées dans cet espace sont issues des archives de l’Abbaye. Elles proviennent du fonds Albert Tonoli, un amateur d’art dont le frère François était chanoine à Saint-Maurice au début du XXe siècle. Les planches d’anatomie sont quant à elles des reproductions issues de la fameuse encyclopédie d’Yverdon (1770-1780), dont la bibliothèque de l’Abbaye conserve un exemplaire.

Minéraux et fossiles

Comme la congrégation du Grand-Saint-Bernard, l’Abbaye de Saint-Maurice possède, à travers les collections du collège, un riche ensemble de fossiles, minéraux et coquillages. Organisés suivant les grandes périodes géologiques, les fossiles et minéraux prennent place par dizaines dans le meuble de minéralogie présenté dans cette première section. La plupart ont été trouvés en Valais. Les coquillages quant à eux sont principalement issus des bords de la Mer du Nord. Parfaitement documentée, cette collection est en attente d’une étude plus approfondie.

Le collège à la fin du XIXe siècle

Cette représentation idéalisée du collège de Saint-Maurice met en valeur son cadre montagnard et sa modernité, symbolisée par le chemin de fer qui arrive en 1858 dans la localité. Le collège étant encore en cette période dans les bâtiments de l’Abbaye, le graveur intitule son œuvre « Collège et pensionnat ».

Les palmarès du collège de Saint-Maurice

Dès 1807, le collège publie un palmarès des meilleurs étudiants de l’année. Rédigé en latin, celui-ci propose une liste des meilleurs étudiants dans les branches enseignées, notamment la physique, la logique, les mathématiques, la rhétorique, la syntaxe et la grammaire.