17.04.2022

Saint Jour de Pâques

Mes sœurs, mes frères,

Avec le Jour de la Pâque du Seigneur nous parvenons à un aboutissement, celui de sa vie humaine, de sa condition de Dieu fait homme, de sa mission de porter la parole d’amour de Dieu au monde. Cette assertion semble évidente et saint Pierre n’a pas manqué, vous l’avez entendu, de relater toute cette histoire sainte depuis le baptême proclamé par Jean, jusqu’au retour du Christ avec qui lui et ses amis ont bu et mangé après sa résurrection, puisque c’est à eux qu’il s’était manifesté. Mais est-ce réellement un aboutissement ? Devrions-nous le croire parce qu’il y a eu un commencement ? Mais quel fut-il ce commencement ? La naissance de Jésus, le Verbe fait chair, ou de ce Dieu qui était avant que ce qui fut ne soit ? Ce Verbe n’était-il pas déjà Dieu et auprès de Dieu ? Il était avant d’être, et donc il était de toute éternité.

Non, frères et sœurs, il n’y a ni commencement, ni aboutissement. Celles-là seraient – et sont – des notions proprement attachées à notre condition humaine et à la vie de la création sur la terre des vivants. Certes Dieu est entré dans notre histoire, mais, comme l’a souvent dit Jésus, “Je ne suis pas de ce monde”. Parce que le monde de Dieu c’est l’éternité, ce n’est ni un avant ni un après, mais ce qui est de toujours à toujours ; et la fête de ce jour exaltant la Résurrection du Christ veut nous l’enseigner. Dieu est de toute éternité, Jésus aussi et, par son passage sur terre, il est venu nous apprendre à connaître l’éternité, à la vivre et à la recevoir. Voilà donc le mystère de la Résurrection de Jésus, qui est un événement déjà inscrit dans son éternité et que nous ne pouvons pas comprendre comme un aboutissement en soi. Nous devons l’accepter comme un don, le don de sa vie reçue à notre baptême, cette même vie qui ne finira pas puisqu’elle est éternelle.

Donc, frères et sœurs, l’événement de Pâques est, comme son nom l’indique, un passage, le passage de l’esclavage à la liberté – disions-nous hier soir –, le passage du péché au pardon, le passage de la vie à la Vie. Et c’est à ce passage que nous aussi, et à la suite du Jésus de Pâques, nous sommes promis ; l’Écriture nous le rappelle plusieurs fois, surtout sous la plume de saint Paul. D’ailleurs ne nous dit-il pas ce matin : “Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en-haut”. -Si-… est-ce une condition, une proposition ou une affirmation ? Une condition voudrait que même Paul ne soit pas sûr de l’événement qui nous intéresse ce jour… une proposition nous laisserait encore dans un flou nous mettant éventuellement devant un choix… tandis qu’une affirmation va nécessairement exciter notre foi. Oui, frères et sœurs, si vous croyez que vous êtes ressuscités avec le Christ par votre baptême, que vous avez été plongés dans sa mort et sa résurrection et remplis de sa propre vie divine, alors vous êtes capables de rechercher les réalités d’en-haut. Qu’est-ce à dire ? Eh bien que déjà ici, sur terre, vous pouvez vivre de la vie du ciel. Le chrétien est amené, frères et sœurs, à faire exister déjà sur terre un peu de ciel. Et quel est-il ce peu de ciel ? En fait c’est tout Jésus retourné auprès de son Père siéger à sa droite. Ainsi nous avons la charge de vivre non seulement de ce que le Christ nous a appris, mais, en le mettant en pratique, de faire continuer Jésus à vivre sur notre terre avec son corps. Son corps présent, visible, tangible dans et par notre propre corps et notre vie humaine, mais en revanche en hommes rassemblés, unis dans une même foi, une même pensée, une même doctrine, celle de Jésus, c’est-à-dire la loi nouvelle de l’Amour. Cet amour c’est Dieu, saint Jean nous l’a rappelé : “Dieu est Amour”, et cet amour vit au ciel, mais il peut et doit déjà être présent sur terre pour préparer le monde à sa conversion et à sa résurrection. Cet Amour est certes Jésus, mais pour nous aujourd’hui cet Amour est l’Église, son Corps mystique que nous formons, par conséquent.

Nous sommes donc rattachés à Dieu par Jésus en l’amour qu’il a diffusé sur la terre, nous sommes acteurs de la vie du ciel par sa réalité partagée dans la communion des Saints et l’Église, nous sommes en chemin vers l’éternité par la force de notre foi. La fête de ce jour, frères et sœurs, ne veut rien nous dire d’autre ; elle nous indique notre itinéraire de vie en étant comme la dernière étape que le Christ nous concède pour que l’on adhère à lui. Elle nous renvoie à notre baptême, comme nous le décrit saint Paul : “ En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu”. Au nom de notre baptême nous sommes configurés au Christ prêtre, prophète et roi ; prêtres, c’est-à-dire que nous sommes appelés à offrir le sacrifice du Christ, le don de sa vie qui s’achève dans l’amour ; prophètes, c’est-à-dire que nous parlons au nom de Dieu dans la mise en pratique et l’enseignement de sa Parole ; roi, c’est-à-dire que nous gouvernons et orientons vers le bien la communauté, réalisant une communauté de croyants qui veut l’union de tous entre eux et avec Dieu. C’est le propre du christianisme.

Saint Paul dit encore dans sa 1ère Épître aux Corinthiens : « S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu ; et nous faisons figure de faux témoins de Dieu, pour avoir affirmé, en témoignant au sujet de Dieu, qu’il a ressuscité le Christ, alors qu’il ne l’a pas ressuscité si vraiment les morts ne ressuscitent pas. Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus » (1 Co, 15, 13-18).

Voilà pourquoi la fête de la Résurrection du Christ doit s’appuyer sur notre baptême et se comprendre au tréfonds de notre foi. Elle est l’heure de notre foi ! Comme ce fut le cas pour saint Jean : “Il vit, et il crut”. Nous sommes appelés à être des témoins de cette résurrection en la vivant déjà dans notre vie de chrétien, en sachant quelle est la force de l’enseignement du Christ et en étant assurés de recevoir la vie éternelle en héritage. Saint Pierre nous l’a dit expressément tout à l’heure : “Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner” ; nous devons aussi l’entendre pour nous ! Ainsi faut-il garder en mémoire cette dernière exhortation de saint Paul aujourd’hui : “Pensez- aux réalités d’en-haut, non à celles de la terre”. En d’autres termes : soyons déjà par la force de notre vie chrétienne et de notre foi en Jésus mort et ressuscité pour nous sauver du péché et de la mort éternelle, des ressuscités avec le Christ, des hommes et des femmes capables de vivre avec, aux yeux, l’espérance sans faille de la vie éternelle, que Jésus nous a promise, enseignée, et qu’il a vécue pour nous au prix de sa vie, du jardin de l’angoisse aux ténèbres du Calvaire, de la nuit du tombeau à l’aurore de Pâques.


Ainsi soit-il !


Mgr Jean Scarcella