02.02.2022

Présentation du Seigneur au Temple et Journée de la Vie Consacrée

Chers frères et sœurs dans la vie religieuse, chers consacrés-es, mes sœurs, mes frères,


Qui dit ”présenter”, dit nécessairement ”rencontrer” ; en effet la rencontre est implicite dans toute présentation, que ce soit de personnes ou de sujets divers ; on va à la rencontre de quelqu’un ou quelqu’un vient à notre rencontre, on reçoit un enseignement ou on le donne. Ainsi la fête de la Présentation du Seigneur est un moment qui manifeste la rencontre, et une rencontre particulière, celle de Jésus avec le peuple de Dieu de tous les temps, et qui va annoncer celle de toujours. Ce jour clôture les solennités de l’Incarnation et chaque élément y fait référence.

Tout d’abord parlons de Marie, la jeune accouchée qui obéit à la loi de Moïse et se rend au temple selon la prescription que délivre le Livre du Lévitique : « Quand sera achevée la période de sa purification, que ce soit pour un garçon ou pour une fille, elle amènera au prêtre, à l’entrée de la tente de la Rencontre, un agneau de l’année pour un holocauste, un jeune pigeon ou une tourterelle, en sacrifice pour la faute » (Lv 12, 6). Nous qui lisons ces lignes avec les lunettes de la nouvelle Alliance nous n’avons aucune peine à comprendre les deux mots essentiels de ce passage : l’agneau et le sacrifice. Si, dans l’ancienne Alliance ils avaient une signification bien précise dans le sens d’une réparation, étant comme un moyen de purification du péché, dans la nouvelle Alliance ils ne font plus allusion à un événement, mais à une personne, et la personne même de Jésus. Oui, c’est lui, Jésus, l’Agneau pascal, qui s’est donné lui-même en sacrifiant sa vie afin de purifier l’homme pour l’éternité. Ces lignes, prises dans le contexte de l’événement rituel de la Présentation, achèvent la complétude de l’Incarnation, c’est-à-dire la naissance de celui qui allait être le Sauveur du monde, afin de lui apporter, lui offrir, le salut par sa mort et sa résurrection.

La rencontre de Dieu et son peuple à travers la présence d’un nouveau-né, se retrouve ici entre ce même enfant et le vieillard Syméon qui se fait prophète sur l’avenir de cet enfant. Ainsi les deux mouvements ont abouti : d’une part ”les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem”, donc au temple, et d’autre part “Syméon vint au temple”. LA rencontre ! Et c’est très beau de relire alors ici, dans ce contexte, cet extrait du Livre du prophète Malachie entendu à l’instant : ”Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ; et soudain viendra dans son temple le Seigneur que vous cherchez”. Et qui est-il ? Malachie le désigne ainsi : “Le messager de l’Alliance”. Alors, tout de suite, nous entendons comme en écho les paroles de prophétie du vieillard Syméon qui authentifient en quelque sorte celles de Malachie : “Mes yeux ont vu le salut […] : lumière […] et gloire”. Voici donc ce messager de l’alliance qui viendra pour purifier le monde à la manière des blanchisseurs et des fondeurs, lavant par son sang ce qui est souillé et purifiant par le feu de son amour l’or de la vie, maculé des scories du péché de l’homme. Bien sûr, ce messager c’est Jésus, en cela il est lui-même l’Alliance qu’il apporte au monde et qu’il réalise par sa mort et sa résurrection.

Nous avons parlé de l’événement central de cet épisode de la vie de Jésus enfant, qui est la rencontre. Mais n’oublions pas que toute rencontre est précédée d’une attente. Il y eu les millénaires d’attente du peuple d’Israël pour que s’accomplisse la promesse faite à Abraham, il y a eu les neufs mois d’attente de la Vierge Marie en promesse d’enfantement, et maintenant il y a l’aboutissement final de l’attente dans l’arrivée de celui que le vieillard Syméon nomme la “Consolation d’Israël”. Si ce mot latin, consolatio, voudra traduire de premier abord une action de consoler, de soulager, il faut aussi le comprendre comme sujet de joie, de satisfaction. Il s’agit donc d’une chose concrète qui console, apporte réconfort, soulagement et joie, et en langage biblique – ici dans le texte de Luc – il manifeste l’espérance du salut, la venue du Messie et, par métonymie, veut exprimer le Messie lui-même. Oui, Jésus est venu apporter le réconfort à l’homme écrasé par le poids du péché, et sa joie en lui dévoilant l’amour de Dieu. Le réconfort de Syméon est d’avoir vu le salut, et sa joie d’avoir connu la lumière. Avec ces deux mots qui parlent forts à nos cœurs de chrétiens qui lisons les Écritures a posteriori, nous pouvons comprendre à quel point l’attente de toute une histoire, de tout un peuple, est résumée dans le cantique de Syméon ; l’attente de la Consolation d’Israël c’était l’attente de la “délivrance de Jérusalem”, comme le signifie saint Luc. Et ainsi l’attente prend tout son sens, parce qu’elle se voit maintenant projetée vers un avenir, celui de la délivrance. Et notre délivrance c’est Jésus, ainsi est-il notre avenir ; notre avenir à chacun de nous, l’avenir des nations, l’avenir de tous les peuples de tous les temps.

Dieu prend chair au soir de la Nativité, rencontrant en Jésus l’humanité, il se manifeste fils de Dieu aux hommes par la visite des mages, il entre dans la vie de ses frères et sœurs par son baptême, il s’ouvre au monde lors des noces de Cana par l’annonce de son sang versé ; il était bien l’enfant de la rencontre qui prépare notre avenir, c’est-à-dire notre éternité dans la gloire. Et c’est en cela que les paroles du vieillard Syméon prennent une importance capitale dans le contexte de l’Incarnation du Christ, parce qu’il voit en Jésus le salut promis par Dieu depuis des siècles, et qu’il le décrit comme la “lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël”.

“Syméon reçut l’enfant dans ses bras”, quelle belle image, mais dont la signification va bien au-delà de ce qu’elle laisse voir : si la mangeoire de Bethléem fut le berceau de la naissance à la vie humaine, les bras de Syméon seront celui de la naissance à la vie éternelle. Et quand Marie présente son Fils à Dieu, Syméon nous l’offre pour notre salut. Oui, frères et sœurs, aujourd’hui nous rencontrons Jésus, nous qui attendons la manifestation de la révélation et, à notre tour, nous recevons Jésus dans nos bras en un geste de foi merveilleux qui donne sens à notre avenir. La foi est attente et la rencontre est salut. Appliquons-nous donc à nous laisser laver par la “lessive des blanchisseurs” en nous offrant à la lumière de miséricorde et d’amour du Seigneur Jésus qui nous inondera à la mesure de notre foi. Et acceptons de passer par le feu du creuset de son amour pour nous préparer à sa rencontre dans la béatitude éternelle de notre salut accompli.

Ainsi soit-il !


Mgr Jean Scarcella