21.11.2022

Présentation de la BVM : Promesse perpétuelle - Oblature de Mme M

Chère Marie-Christine, mes sœurs, mes frères,

Heureuse, la Vierge Marie, qui porta en elle le Fils du Père éternel ! Oui, heureuse ! On pourrait certainement voir ici la plénitude du bonheur, et on n’aurait pas tort ! Car ce bonheur est d’abord celui de Dieu, celui qui est en Dieu, celui que Dieu nous a promis ; il n’est pas d’abord le bonheur propre de Marie qui reçoit la visite de l’ange et qui adhère à sa proposition de devenir la mère du Sauveur Jésus, il est le bonheur de Dieu qui s’incarne dans le sein de Marie et qui, en Jésus, sera remis à l’humanité ; par sa parole et ses actes, toute sa vie jusqu’au don suprême de celle-ci, comme le chemin qui conduit à la porte ouvrant sur la béatitude éternelle, Jésus nous a appris à entrer dans la prière de louange de Marie à l’heure de l’Annonciation : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! ». Et Jésus, dans son sermon sur la montagne, ce programme de vie chrétienne qu’on appelle les béatitudes, a ainsi dévoilé la nature de ce bonheur, sa raison d’être, sa force vitale qui doit nous accompagner à la suite du Christ, à l’instar de la vie de Marie.

Aujourd’hui nous ne fêtons pas l’Annonciation du Seigneur, mais la Présentation de la Vierge Marie ; bien qu’il y ait un lien très étroit entre ces deux événements, ils ne sont pas les mêmes. La Présentation de Marie au temple, c’est la démarche d’une petite fille de 12 ans qui se rend au temple, en compagnie de ses parents, comme la Loi le demandait, afin d’accomplir un rite propre à la religion juive. Et là, nous devons tout de suite lire cet autre verset du Magnificat de Marie : « Il s’est penché sur son humble servante… Saint est son nom ! ». Marie est déjà cette humble servante, car le Seigneur l’avait choisie de toute éternité ; et, déjà petite fille, elle se rend, elle-même au temple, avec cette certitude au cœur, bien qu’elle n’en ait pas conscience, très certainement. Mais dans cette démarche de Marie se décèle un premier signe de son désir de donner sa vie pour le Seigneur ; elle s’est comme glissée dans le plan de Dieu auquel, sans le savoir, mais sous l’inspiration de l’Esprit Saint, elle avait déjà adhéré.

La démarche de Marie n’est donc pas d’abord une démarche de présentation, ça c’est le fait des parents qui emmènent leur fille au temple, mais une démarche personnelle d’oblation. Elle le fait avec cette attente au cœur de pouvoir offrir sa vie en oblation au Dieu créateur, le Dieu de ses pères et qu’elle voulait honorer. Le Dieu saint. Sans le savoir, encore une fois, elle vivait déjà l’oblation qui serait sa vie en tant que mère du Fils de Dieu, appelée à le recevoir, le suivre et le porter dans son cœur et sa douleur au cours de sa vie cachée comme de sa vie publique.

« Le Puissant fit pour moi des merveilles », peut-on dès lors s’exclamer d’une manière particulière aujourd’hui. Car c’est ce que vous vivez présentement, chère Marie-Christine, en choisissant de répondre à cet appel d’oblation de votre vie, par le Seigneur et pour lui. La puissance d’amour qui habite le cœur de Dieu et qui en révèle l’entier de son être divin, est cet amour qu’il offre à tous ceux qui veulent le suivre ; cet amour vous a envahie tout entière, au point que vous ouvrez pleinement votre cœur à cette merveille, afin de pouvoir en vivre totalement et désirer le partager autour de vous dans le témoignage cette oblation de vous-même.

Frères et sœurs, le cantique d’action de grâce de Marie, celui que l’on nomme le Magnificat, est le fruit de la démarche première de Marie au temple, rendu à pleine maturité au moment de l’Annonciation, où l’ange est finalement venu révéler à cette jeune femme d’Israël ce qu’elle avait pressenti en son cœur lors du rite de sa présentation au temple. Et quand nous prions le Magnificat de Marie, nous pouvons aussi nous l’approprier, car il est comme un programme de vie pour chaque baptisé et tout homme de bonne volonté. Particulièrement avec cet autre verset : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». La miséricorde… fondement de l’action de Dieu préparée par la prédication de Jésus, est le principe premier de la vie en Dieu et avec lui. En effet, l’homme peut reconnaître sa misère lorsque le péché entache la pureté de l’amour offert, mais il sait aussi que le cœur de Dieu sera toujours ouvert pour la recevoir et la transformer en acte d’amour. C’est la manière de craindre Dieu, c’est-à-dire de se rendre compte qu’on est capable de ne pas l’aimer assez. Ainsi crainte et amour sont deux termes qui vont ensemble ; non pas en pensant à la peur d’aimer ou à l’amour de la peur, mais parce que les deux procèdent de la même attitude envers le Père qui nous connaît, nous guide et nous chérit. En effet, je suis capable d’aimer parce que je crains le Seigneur, c’est-à-dire que je suis en recherche de toujours plus d’amour, avec le souci de n’en jamais manquer, de n’en jamais avoir assez ! Vivre la miséricorde est donc la base de tout don, de toute offrande, de toute oblation.

Ensuite Marie chante un mot fondamental de notre vocabulaire chrétien : “l’humilité”. « Il élève les humbles », ainsi qu’il l’a fait pour sa servante. Cela nous renvoie à cette quasi-maxime de Jésus dans sa parabole de l’invité à la noce : « En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 11). L’abaissement est, encore une fois, à comprendre sous la forme du don, ce don qui reconnaît le Tout-Autre plus grand que soi ; mais en se donnant au Seigneur, d’une manière particulière dans la consécration de soi, on sait que l‘on va rejoindre le don primordial de Jésus sur la croix et être élevé dans la gloire avec lui.

C’est ainsi que Marie chantera encore : « Il relève Israël, son serviteur ». Le relèvement, frères et sœurs, marque cette assurance que nous avons et que nous devons cultiver dans la foi droite et la conscience pure ; il est pour nous promesse d’éternité et de bonheur infini.

Voici, chère Marie-Christine, qui rejoignez la “Fraternité des oblates de l’Abbaye de Saint-Maurice” par votre promesse perpétuelle de célibat, un cheminement qui s’imprime totalement dans votre démarche. Aujourd’hui votre cœur est en joie et exulte de bonheur, parce que vous vivez en ce moment, et concrètement, ce désir d’oblation de votre vie qui l’a longtemps habité. Vous pouvez aujourd’hui vous présenter devant le Seigneur comme la servante de son amour, cet amour reçu et donné, ce dialogue en cœur à cœur avec le Seigneur, et qui s’exprime d’abord dans la contemplation de son propre don pour le salut du monde. En répondant à l’appel que le Seigneur vous fait, vous reconnaissez que le Seigneur fait, en vous aussi, des merveilles. C’est-à-dire, non pas que vous jugiez votre élection comme une exception, mais au contraire en reconnaissant que le Seigneur vous a jugée digne de porter, par votre statut d’oblate, le témoignage de sa présence en vous et, par vous, sa présence pour tous, dans l’exaltation de son saint nom.

Enfin, le don de soi qu’est l’oblature s’enracine, et vous le savez, dans la miséricorde. Être là pour Dieu et, partant pour ses frères et sœurs, engendre cette forme d’amour première et totale qu’est la miséricorde, nous le disions. Elle porte à l’écoute, à l’attention à l’autre et au Tout-Autre, à la présence à la vie de l’Église dans les sacrements et par-dessus tout celui de l’Eucharistie qui unit au Christ et nous conforme corporellement à lui. La miséricorde est une école de l’amour donné et reçu, bafoué et pardonné, échangé et exalté. Et la seule, la meilleure manière de le vivre, est de pratiquer l’humilité pour amorcer le chemin de notre salut.

Oui, que c’est donc beau de pouvoir vivre cette consécration de votre vie au Seigneur en ce jour de la fête de la Présentation au temple, nous rappelant que la petite Marie s’y rendit pour faire, dans le secret de son cœur et portée par le souffle de l’Esprit, sa propre profession d’oblature :

« Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38).


Ainsi soit-il !

Mgr Jean Scarcella