22.02.2023

Mercredi des Cendres

Mes sœurs, mes frères,

Nous allons donc commencer notre Carême cette année encore. Encore ? Est-ce à dire que nous retombons dans une période dont on pourrait vite se lasser : les sacrifices, les jeûnes, les désirs de conversion, et toutes ces résolutions qu’on veut réaliser et dont on n’est pas sûr de tenir… Encore le Carême ! Découragement ou renouveau ? Chers amis, soyons attentifs à ne pas faire de ce Carême notre propre affaire en décidant ce que nous allons réaliser pour le satisfaire ; nous n’y arriverons jamais totalement ! Non, entrons dans ce Carême en décidant de faire route avec le Christ, parce que notre Carême, c’est son affaire à lui. Nous, mettons-nous dans de bonnes dispositions, et nous pourrons nous laisser faire par lui. Qui sait ce qu’il nous réserve ? Ce qu’il fera pour nous, en nous ? Cette petite incertitude va dès lors nous permettre d’entrer avec foi dans ce temps privilégié qui, nous le savons, non seulement nous conduit à Pâques, mais prépare nos cœurs à vivre Pâques en plénitude. Et ce n’est pas rien, puisqu’il s’agit de notre propre salut, ce salut qui ne peut s’encombrer précisément des embûches qui nous en barrent le chemin. Nous le savons, « Dieu fait toutes choses nouvelles », et c’est cela que nous devons attendre, pour chacun de nous, de ce temps dans lequel nous nous lançons avec confiance, joie et espérance. Cheminons avec le Christ, il nous guidera certainement sur des sentiers qui nous mèneront vers de nouveaux paysages et qui nous surprendront, faisant de nous des hommes et des femmes nouveaux !

Avant toute chose, mettons en nos cœurs un fort désir de suivre le Seigneur pour atteindre au meilleur de nous-mêmes. Le prophète Joël nous donne une piste en proposant trois attitudes qui nous viennent de la bouche du Seigneur lui-même : « Revenez à moi de tout votre cœur, dans les larmes, le jeûne et le deuil. […] Et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour ». Voilà le programme à suivre pour accompagner Jésus en ces quarante jours de désert avec lui.

Tout d’abord il y a le jeûne. Comment le comprendre, au-delà du fait de le mettre en pratique physiquement ? Eh bien c’est marquer un premier désir en se faisant disponible et ouvert. C’est dans cette attitude qu’immanquablement nous prendrons en compte tout ce qui nous retient loin des autres, loin de Dieu, loin de nous aussi. Ouvrons-nous alors à la vie en compagnie d’un Dieu “lent à la colère”, patient et pédagogue, dont la parole nous aidera à laver notre visage et à parfumer notre tête pour cheminer vers la sainteté !

Ensuite il y a les larmes. Loin de moi l’idée de nous transformer en pleureuses, mais plutôt de voir ici un deuxième désir dans la capacité de manifester notre regret et notre contrition. C’est une nouvelle attitude qui va nous permettre de nous rapprocher des autres, de Dieu et de nous aussi. Soyons dès lors à même de considérer notre péché dans la volonté de le repousser hors de nos vies, avec l’aide de ce Dieu “tendre et miséricordieux”, dont le cœur aimant nous incline à être au service des autres dans une attitude de don de soi, d’aumône de soi.

Enfin il y a le deuil qui, c’est indéniable, fait référence à la mort. Dans ce sens va naître un troisième désir de conversion, comme des petites morts à nous-mêmes, pour laisser plus de place aux autres, à Dieu et à nous aussi. Et là nous vivrons tout cela plus secrètement, dans la prière, retirés au fond de la chambre de nos cœurs, parce que nous nous confierons à ce Dieu “plein d’amour”. Cet amour, il le déversera en nous, et il sera cette ressource qui nous appellera à nous tourner vers lui. Parce que nous sommes nés pour être aimés, apprendre à aimer, et vivre de l’amour de Dieu-même, celui qui nous accompagnera durant notre Carême, celui qui réalisera notre Carême, celui qui nous fera nouveaux, fils et filles de Dieu dans la Pâque du Christ.

Prenons donc le temps, durant ce Carême, de mieux nous regarder pour provoquer en nous ce désir de nous convertir. Mais pas en décidant cela comme une résolution disant : “Je veux me convertir” – cela ne va pas nous transformer comme par enchantement –, mais en choisissant plutôt la résolution de regarder Jésus et de l’écouter ; il nous donnera cette envie d’être meilleurs, de telle sorte que nous lui demanderons les grâces de conversion dont nous avons besoin.

Car c’est en contemplant Jésus dans sa grandeur que nous serons touchés par son regard de tendresse et que nous pourrons confesser son amour pour nous, ce qui, du coup, nous situera dans notre petitesse, due à notre péché nous empêchant d’atteindre à cette grandeur même. Ainsi, vivant le sacrement de la Réconciliation, qui nous ouvre à chaque fois un nouveau chemin de conversion, nous rendant toujours plus aptes à accueillir les dons de l’amour de Dieu, nous les verrons grandir et fructifier. Le péché détruit tous dons, la grâce sacramentellement renouvelée les régénère. “C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut”, c’est maintenant qu’il faut combattre, frères et sœurs. Pas demain !

Ainsi soit-il !

Mgr Jean Scarcella