11.11.2022

3e dimanche de l'Avent

Mes sœurs, mes frères,

Face à certains événements que l’on attend avec impatience, certains peuvent provoquer chez nous une certaine fébrilité, tout intérieure ; celle, par exemple, qui peut naître à l’idée de la visite d’un être cher que l’on n’a plus vu depuis longtemps… vous savez, cette attente qui peut aller jusqu’à se manifester sous des dehors plus ou moins euphoriques ? – on la connaît ! mais peut-on la nommer ? Eh bien je crois que oui : c’est tout simplement de la joie qui monte en nous ! Quel sentiment merveilleux !

Aujourd’hui nous entendons cette extraordinaire parole du prophète Isaïe : “Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu. […] Il vient lui-même et va vous sauver”. Qu’est-ce que cela suscite en nous, frères et sœurs, d’entendre cette parole – puisque c’est à nous que maintenant elle est dite ? … Le fait de savoir que le Seigneur va venir pour nous sauver, ne nous bouleverse-t-il pas un peu, allant peut-être même jusqu’à révéler une certaine excitation intérieure ? Certainement qu’un sentiment d’émoi pourra s’installer en nous, mais en même temps abondera une sensation de paix qui nécessairement conduira à une joie intérieure, née de cette attente !

Ainsi demandons-nous plutôt pourquoi est-ce que la joie naît d’une attente de quelqu’un, d’un cadeau à recevoir, d’un amour à vivre ? L’acte de joie, n’étant pas quelque chose qui ne se voit ni se laisse toucher, fait qu’elle n’existe pas en tant qu’élément créé ; pourtant, on l’a dit, on ne peut pas être en joie pour rien ! C’est donc que quelque chose nous met en joie, ou plutôt quelqu’un. Ainsi oui, la joie se voit quand elle est manifestée par celui qui l’éprouve, faisant naître autour d’elle un certain contentement de savoir tel ou tel joyeux. La joie, en fait, est un sentiment très personnel et elle n’existe que pour qui l’éprouve ; cependant elle s’avère être pour autant le résultat d’une rencontre. En effet, celui qui a de la joie en lui, ne pourra pas la transmettre en tant que telle, comme si on l’offrait en présent, non, mais il en dévoilera son motif. Et c’est la rencontre que l’autre fera de cette origine de la joie chez son vis-à-vis, qui pourra le mettre en joie à son tour. Et non seulement la rencontre, mais son adhésion à ce ferment de joie, qui ainsi naîtra intérieurement de quelque chose de reçu, et aura le mérite de le réjouir par le fait même.

Ainsi donc, la première question que nous nous sommes posée, celle de savoir que Dieu va venir lui-même pour nous sauver, nous met-elle le cœur en joie, frères et sœurs ? Pour y répondre, revenons alors à Isaïe qui nous communique la cause de sa joie : le Seigneur viendra. Et il viendra avec des dons merveilleux qui verront les yeux des aveugles se dessiller, les oreilles des sourds s’ouvrir et les boiteux bondir comme des cerfs. Remarquons alors bien ici, frères et sœurs, que celui qui nous a appris à marcher en nous donnant son corps, c’est le Seigneur, Dieu Créateur – que celui qui nous a appris à écouter en nous donnant son Esprit, c’est le Seigneur, Dieu Verbe – que celui qui nous a appris à voir en nous donnant une âme, c’est le Seigneur, Dieu Vie. Oui, le Seigneur viendra, et il viendra pour nous apporter la paix : “Gloire à Dieu, et paix aux hommes qu’il aime !“

Voici alors que Jésus naît, lui que l’on nomme précisément “Prince de la paix” ; il est la cause de notre joie, et donc une joie qui, finalement, sourd justement de la paix ! Oui, notre joie vient de lui, Jésus ; celui qui doit venir est donc notre paix, la source de notre salut ! Alors il nous donne les moyens de vivre cette paix par son amour, et en cet amour vécu les uns avec les autres, ce qui générera de la joie en chacun, dans les corps, les esprits et les âmes : la joie sera notre instrument de paix !

Si la paix – comprenez Jésus, notre Paix – est source de joie, tout ce qui est anti-joie, comme la tristesse, la morosité, la stérilité d’une vie est dès lors engendré par le mal qui va à l’encontre de la paix et amène la division. Nous le savons, celle-ci est apportée par le péché. C’est pourquoi il faut nous convertir pour devenir de vrais instruments de paix, en contaminant le monde par la joie qui nous habite. Les chrétiens doivent être joyeux, remplis de joie, pleins de cette conviction absolue que la paix de Dieu s’appelle Jésus, qu’elle habite nos êtres et nos maisons. La joie, ce n’est pas d’abord de crier des alléluias, mais ressentir ce qui fait de nous des instruments de paix ; ce qui faisait dire à saint François d’Assise, qui avait découvert la joie parfaite dans le parfait abandon à la paix venant de Dieu : « Là où est la discorde, que je mette l’union », c’est-à-dire ne plus boiter sous le poids du péché de l’humanité, mais marcher dans la joie vers le salut. Ainsi, « Là où est le doute, que je mette la foi », disait encore saint François, ceci pour nous encourager à ne plus accepter les morts successives du péché contre Dieu, mais chercher à ressusciter à la vie en lui. Ainsi prions encore avec François en disant : « Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière », cela nous aidera à ne plus vivre dans la nuit du péché, mais à ouvrir nos yeux de l’âme sur l’amour resplendissant de Dieu.

Voilà ce qui a été rapporté à Jean le Baptiste dans sa prison. Il attendait la mort, il a reçu la joie de la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres : “Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute”, lui avait fait rapporter Jésus. La paix envahit alors le cœur de Jean, et c’est dans la joie qu’il a pu donner sa vie en témoignage de celle-ci ; il n’est pas tombé ni dans la haine, car “les lépreux sont purifiés”, ni dans le doute, car “les boiteux marchent”, ni dans les ténèbres, car “les aveugles retrouvent la vue”, mais a embrassé la paix du message de salut apporté par celui qui vient ; ce fut la réponse à sa question : “Es-tu celui qui doit venir ?”

Alors, chers amis, cultivons cette paix de Dieu entre nous et dans la joie. Attendons “les fruits précieux de la terre avec patience”, jusqu’à la récolte, comme nous l’a rappelé saint Jacques. Oui, nous le chantons en cet Avent, que vienne Jésus, notre paix, car c’est lui qui nous mettra en joie et qui permettra que le monde soit contaminé par la joie. Que “le désert et la terre de la soif”, là où sévissent guerres, haines et péché, “se réjouissent” de refleurir ! Que “le pays aride”, voyant la paix s’installer entre les hommes, “exulte”, se couvrant “de fleurs des champs” ! Que la “gloire du Seigneur, [et] la splendeur de notre Dieu” fortifient notre foi, et nous affermissent dans le courage du témoignage, pour lutter contre l’incrédulité, afin que, “Là où est la tristesse”, nous mettions la joie !


Ainsi soit-il !


Mgr Jean Scarcella